
En Belgique, selon SOS Viol, on enregistre en 2014, 3188 plaintes pour viol : pas pour attentat à la pudeur (3709) et cela ne compte pas les viols conjugaux (120) ou les viols collectifs (205). Quatre ans plus tard, en 2018, ce sont 3455 plaintes pour viol qui sont enregistrées, et même topo : c’est sans compter les attentats à la pudeur (3706), les viols conjugaux (140) ou les viols collectifs (216). Bonjour l’ambiance.
Comment comprendre ces chiffres ? Si vous travaillez dans un média qui vous demande de réaliser vite et bien quelque chose de sensationnaliste, vous allez peut-être en conclure qu’on viole plus qu’avant. La faute aux médias sous-financés et à la course aux clics.
Voici comment il faut analyser ces chiffres : en 2014, nous étions 11,18 millions et en 2018, 11,40 millions. Aussi, en 2014, on peut partir du principe qu’il y a 285 viols pour un million, et en 2018, 303 viols pour un million.
On observe donc une légère augmentation, ce qui n’est pas rassurant.
Et vous savez, ce qui l’est encore moins ? Certaines études vont jusqu’à estimer que sur 100 viols, seuls 10 sont dénoncés.
Tout le monde s’en fout. On ne cherche pas à comprendre : c’est vrai que plainte déposée ne veut pas dire coupable, mais comme en plus tout le monde ne porte pas plainte, et qu’on ne sait pas si ces plaintes sont classées, si elles donnent lieu à des condamnations… on ne sait pas non plus si les belges ont plus de facilités à porter plainte qu’avant, que dalle ! On en discutait au début de ce calendrier de l’Avent, pour avancer, il nous faut ces chiffres.
Face à Jean-Michel Détractos, vous ne pouvez donc pas dire « On viole plus qu’avant » : ce n’est pas sûr. Mais, j’essaie quand même de vous réconforter, il ne peut pas dire en retour « On viole moins qu’avant ».
Je m’égare, car à l’origine, je voulais parler de la prescription. Il s’agit de la durée au-delà de laquelle une action en justice n’est plus possible. De façon personnelle, je pense que cette prescription doit sauter. Les dommages psychologiques suite à un viol sont tels que la victime n’est pas forcément en capacité de porter plainte dans les temps, c’est injuste.
Petit rappel : en Belgique, la prescription pour un viol sur une personne de plus de 18 ans est de 10 ans, et il n’y a pas de prescription pour les mineurs. C’est très récent, depuis fin 2019 seulement : or, le processus de déni chez une très jeune personne est hyper compliqué. Donc il était un peu temps que ça bouge, quand même : en France, on est récemment passés d’une prescription de 20 ans, à une prescription de 30. C’est mieux, mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Arrêtons de protéger ceux qui devraient avoir honte, ceux qui devraient s’excuser.
Un dernier petit rappel de la loi, et puis je vous laisse prendre votre petit-déjeuner (perso, ça m’a coupé l’appétit) : en Belgique, on part du principe qu’avant 14 ans, l’individu n’est pas consentant.e. S’il y a procès, ça permet de ne pas à avoir à prouver que l’enfant n’était pas consentant, ce qui est très douloureux, je vous laisse imaginer. Les français.e.s n’y sont pas : ils délibèrent, ils délibèrent, mais récemment on a vu une gamine de 11 ans suspectée d’avoir exprimé son consentement de façon explicite. Le coupable a été condamné à une peine très légère, par rapport à la gravité des faits.
J’espère vous avoir convaincu.e.s qu’on a toujours pas mal de pain sur la planche, et qu’on est tous-tes concerné.e.s.
Si non, je ne sais pas ce qu’il vous faut, honnêtement.
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C’est fatiguant, d’être féministe. De façon générale, je ne suis pas contre le débat, pourvu qu’il soit un minimum constructif. Mais cette question « Non mais ça va vous avez le droit de vote, qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? me rends dingue.
Du 1er au 25 décembre, voici votre calendrier féministe. Chaque jour, une réponse plus ou moins cinglante, pour égayer vos repas de famille et vos apéros Zoom : et si grâce à moi, vous ne passez pas de meilleures fêtes de fin d’années, gardez bien en tête que ce qui ne fait pas partie de la solution, fait peut-être partie du problème.