L’essentialisme, cet ennemi discret

Au début, pour le 22ème jour, je voulais parler des #notallmen : ces relous qui monopolisent les débats. Honnêtement, si vous ne voyez pas de quoi je parle : ils sont partout. Un compte Instagram leur est même dédié. Ils m’énervent beaucoup car ils prennent trop de place : c’est suffisamment fatiguant comme ça, de changer le monde, donc merci mais nous n’avons pas que ça à faire. Si vous trouvez que les luttes féministes sont stigmatisantes pour les hommes (eurghh), est-ce que vous êtes vexé également lorsque vous voyez un spot de prévention contre le harcèlement en ligne parce que vous possédez un ordinateur et un compte Twitter ? Je me souviens plus jeune avoir été très triste de découvrir les mécanismes de déni de grossesse qui étaient au coeur de faits-divers (les bébés congelés, ça ne vous rappelle rien?), mais je ne me suis pas sentie coupable pour autant, alors que je possède tout ce qu’il faut pour fabriquer des bébés, si vous voyez ce que je veux dire.

Mais cet article est pourtant l’avant-avant-dernier de la série, et j’ai encore des choses sur ma liste : donc on ne va pas parler de relous d’internet incapable de se décentrer cinq minutes, et on va plutôt attaquer un sujet assez dense qui me tient à coeur : l’essentialisme.

ESSENTIALISME, subst. Masc.

Toute philosophie qui affirme le primat absolu de l’essence sur l’existence.

Dans le sujet qui nous concerne, c’est l’idée selon laquelle les femmes vont être par essence différentes des hommes et que nos différences biologiques induisent des différences comportementales auxquelles tout le monde devrait s’adapter. Si vous voulez un peu de sarcasme (allez, ça me fait plaisir), ce sont des féministes (non) qui veulent le droit de vote mais qu’on leur porte leur valise * wink wink *.

Petit apparté ici. J’ai entendu plusieurs fois « Tu es féministe jusqu’à ce que tu aies besoin d’aide pour mettre ta valise dans le compartiment du haut dans le train ».

Et bien NON. Je fais des valises que je suis capable de soulever, c’est juste un principe de survie. Aussi : vous êtes un homme et vous pensez que votre utilité se résume à porter des valises et ouvrir des bocaux de confiture … ? Et ça va, vraiment, vous allez bien ?

C’est à cause de ce qui me semble être une dérive qu’on se retrouve à être les responsables des cadeaux (parce qu’on est plus empathiques), des ordonnances (parce qu’on est plus organisées) ou de réconforter un enfant qui pleure (parce qu’on comprends mieux). Ce qui me fait vraiment penser à cette idée selon laquelle les mamans savent par nature tout ce qu’il faut mettre dans le sac de sport (par opposition aux papas) alors qu’elles ont juste appris la liste des fournitures nécessaires (et qu’elles savent qu’après la piscine, Loulou.te a besoin de crème hydratante pour peau sensible).

L’essentialisme peut aller jusqu’à justifier des comportements : elle a pleuré en réunion car elle est une fille (et non parce qu’elle est harcelée au travail), ou il n’a pas beaucoup parlé parce qu’il est un garçon (alors qu’il est peut-être juste impoli, allez savoir).

En fait, ça nous met des bâtons dans les roues. J’adore par exemple l’idée des ateliers et non-mixité pour discuter de thèmes précis. Il faut créer ces safe place : s’il ne faut qu’un exemple, ce serait pour moi tout le travail de Marie Dasylva. Je vous laisse découvrir.

Par contre, ce qui m’inquiète, ce sont les discours qui partent du principe que mon utérus induit une façon différente de communiquer (car féminine) : si je suis différente dans ma communication qu’un homme, c’est sociologique ! J’ai été élevée comme une femme, j’ai appris et intériorisé que je devais être plus discrète et savoir tenir une maison. Mon utérus n’a rien à voir là-dedans.

Il y a des ateliers qui existent pour m’apprendre à assoir mon autorité et à m’accepter ( = me faire accepter) comme femme : désolée, mais si Jean-Michel Relou ne veut pas admettre mon autorité dans un contexte professionnel (où je serai reconnue comme sa supérieure) … c’est lui qui a besoin d’aller faire des ateliers. Rendez-moi mon temps libre, merci !

Si le sujet vous intéresse, cet article sur Roseaux.co est vraiment parfait vous expliquer les contradictions d’un courant de pensée que je trouve relativement nauséabond, et dont on trouve pourtant des relents absolument partout.

C’est tout pour moi, à demain !

C’est fatiguant, d’être féministe. De façon générale, je ne suis pas contre le débat, pourvu qu’il soit un minimum constructif. Mais cette question « Non mais ça va vous avez le droit de vote, qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? me rends dingue.

Du 1er au 25 décembre, voici votre calendrier féministe. Chaque jour, une réponse plus ou moins cinglante, pour égayer vos repas de famille et vos apéros Zoom : et si grâce à moi, vous ne passez pas de meilleures fêtes de fin d’années, gardez bien en tête que ce qui ne fait pas partie de la solution, fait peut-être partie du problème.