
Iris Brey, que j’ai déjà présentée il y a quelques jours, a expliqué que l’on ne peut pas s’empêcher de s’identifier à celui qui regarde la scène, à celui qui la montre : quand James Bond observe Halle Berry sortir de l’eau à travers ses jumelles, vous êtes dans la posture du voyeur, que vous le vouliez ou non.
Si le point de vue est sexiste, c’est plus naturel de suivre le mouvement et de penser la même chose. Ce n’est pas un processus conscient et c’est là tout le drame. D’ailleurs, cette étude de l’ONU Femmes a montré pourquoi l’industrie cinématographique perpétue la discrimination à l’égard des femmes.
Vous y ferez attention, la prochaine fois : la sexualisation des femmes dans les films n’a rien à voir avec celle des hommes. Elles vont être partiellement dénudées, dans des postures suggestives, et cela leur confère tout de suite moins d’autorité, même quand elles incarnent un personnage principal. Cela me fait penser à The Boys, savant mélange entre The Avengers et Black Mirror : le personnage d’Annie est une très jeune fille hyper glamour. En dehors des flashs des caméras, sans ses extensions capillaires, ses bottes à hauts talons et son push-up, elle en devient même anonyme, quand bien même son image est déclinée en un milliers d’objets dérivés qui sont omniprésents. Il y a différentes scènes qui soulignent l’artificialité de son apparence, ce qui m’a semblé être une prise de position critique.
Maintenant qu’on a un peu discuté intersectionnalité, j’en profite pour vous glisser à l’oreille quelques petites questions qui feront – je l’espère – leur chemin dans votre tête la prochaine fois que vous irez au cinéma :
Vous regardez une série avec un personnage ouvertement queer :
Est-ce que son rôle est construit uniquement autour de son genre ou de son orientation sexuelle, ou est-ce que d’autres éléments construisent son identité (par exemple, il.elle fait de l’équitation ou est avocat.e) ?
Yes, une femme musulmane et voilée fait son apparition dans votre film !
Est-ce que son rôle est basé uniquement sur le fait qu’elle est pratiquante ? Ou est-ce qu’elle a une passion ou un métier qui lui donne un intérêt, dans la série ?
Génial, des femmes sont présentes à l’écran et ont des rôles significatifs !
Combien ont plus de 50 ans ?
Vous l’avez compris : il ne suffit pas de mettre une jeune fille lesbienne qui se pose des questions et n’ose pas en parler à ses parents, ou une femme musulmane dont la seule réplique sera de citer le Coran.
La façon dont on représente à l’écran des personnages qui nous ressemblent est très importante. Cela va définir les domaines d’action où l’on va se sentir autorisé.e ou légitime, mais aussi avoir une influence sur nos envies ou nos complexes.
Vous avez entendu parler de l’action de SEO Lesbiennes ? Ce collectif a travaillé dur pour que les algorithmes de Google changent et permette aux recherches des mots « lesbienne », « lesbiennes » des résultats informatifs à la place des images pornographiques qui étaient proposées jusqu’alors. En effet, jusqu’à très récemment, ces recherches conduisaient à du contenu pornographique (masculin, évidemment). Une jeune personne se posant des questions sur son identité ne pouvait que tomber sur ces images, parfois même violentes.
Je change complètement de sujet : en 2018, le baromètre du conseil Supérieur de l’Audiovisuel sur la diversité et l’égalité, annonçait que la représentation des personnes perçues comme « issues de la diversité » est seulement de 14,39 %. J’ai essayé de trouver d’autres chiffres, pour savoir si ce 14,39 % est représentatif du pourcentage de personnes non-blanches en Belgique. Je n’ai pas trouvé ce chiffre et je ne suis donc pas capable de l’analyser : je vous renvoie à cet article. C’est important, d’avoir des chiffres, pour pouvoir prouver les oppressions et les combattre. Sinon, cela reste du débat d’opinion, et c’est jamais les concerné.e.s qui peuvent donner leur avis.
Ce que l’on peut dire avec assurance, c’est que ces représentations ne sont pas positives. La journaliste Djia Mambu, dont vous pouvez lire une interview ici, a même mené un long travail afin de relever, systématiquement, les biais racistes au cinéma et dans les médias, et je vais pas vous mentir : ce n’est pas glorieux. En France, le livre Noire n’est pas mon métier dénonce également le traitement raciste des personnes non-blanches, cantonnées à des rôles de prostituées ou de femmes de ménage, à qui on demande en casting « de faire l’accent africain ». Lorsque vous êtes une petite fille noire, ce sont à ces rôles uniquement que l’on vous propose de vous identifier, et c’est un problème.
Il ne faut pas uniquement voir des personnes qui nous ressemblent, dans les médias : il faut aussi que ces personnes soient valorisées dans leur traitement, aient des choses intéressantes à dire, une profondeur dans la construction.
Tout le monde a à y gagner, y compris l’industrie cinématographique qui produirait plus de choses intéressantes, si elles n’étaient pas aussi stéréotypées. Demain, on parlera de slips chauffants !
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C’est fatiguant, d’être féministe. De façon générale, je ne suis pas contre le débat, pourvu qu’il soit un minimum constructif. Mais cette question « Non mais ça va vous avez le droit de vote, qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? » me rends dingue.
Du 1er au 25 décembre, voici votre calendrier féministe. Chaque jour, une réponse plus ou moins cinglante, pour égayer vos repas de famille et vos apéros Zoom : et si grâce à moi, vous ne passez pas de meilleures fêtes de fin d’années, gardez bien en tête que ce qui ne fait pas partie de la solution, fait peut-être partie du problème.